Place des Montréalaises
Désirant rendre hommage aux Montréalaises du passé et du futur, aux 444 Montréalaises exceptionnelles identifiées par la Ville, mais aussi à celles qui auraient été oubliées, nous avons pris le parti d’exprimer leur contribution à la vie de la métropole par la nature même de la place.
Notre objectif pour cette place est que la contribution des femmes montréalaises soit incarnée de façon vivante et actuelle, alors qu’une « monumentalisation » de leur mémoire pourrait la figer, la reléguer à un passé considéré révolu.
Il y a certaines choses qu’ont en commun les vies de ces femmes. Leurs histoires ont plus ou moins été occultées par celle, officielle, des hommes, des faits d’armes, de l’autorité religieuse ou politique. Ainsi, Jeanne Mance se trouve-t-elle dans l’ombre de Maisonneuve, l’histoire de Marie-Josèphe Angélique était jusqu’à récemment à peine un fait divers, et ainsi de suite. C’est d’ailleurs à cause de cette occultation officielle qu’il est aujourd’hui nécessaire de consacrer un nouveau lieu public à leur mémoire. Aujourd’hui, le souvenir de leurs luttes, de leurs accomplissements, des horizons qu’elles ont ouverts émerge à nouveau, et on réalise que leur histoire est plus que jamais pertinente. C’est de cette réémergence des oubliées que parle notre projet, en donnant forme à l’espace citoyen qu’elles ont bâti et continuent de bâtir.
Le lieu choisi pour la Place des Montréalaises se prête exceptionnellement bien au récit de ces femmes. En effet, il se trouve à l’ombre de la Cité administrative, c’est à dire des pouvoirs qui les avaient longtemps reléguées à la marge. De plus, il a lui-même longtemps été marginal : d’abord marais, avant de devenir faubourg, puis stationnement, et enfin plaie béante dans le tissu urbain. Maintenant, éclairée par l’œuvre de Marcelle Ferron enfin mise en valeur, la Place des Montréalaises deviendra un haut lieu de la vie civique et citoyenne de la métropole. Notre parti s’inspire de certaines des qualités du marais, non seulement parce qu’il s’en trouvait un sur le site à une époque reculée, mais aussi parce que, historiquement, de par sa marginalité, c’était un lieu qui pouvait servir de refuge à celles et ceux qui pour des raisons économiques ou politiques n’avaient pas leur place au sein de la société officielle. Devenu faubourg, il continua à remplir ce rôle, puisque offrant plus de liberté que la ville dans les murs. Plutôt que de voir dans le marais un lieu sombre, lugubre et improductif, nous y voyons une biodiversité florissante et un environnement non hiérarchique, riche en interactions possibles et en expériences sensorielles. Cette organisation non hiérarchique est pour nous importante, puisque l’éclatement de l’ordre traditionnel, pour ouvrir un espace citoyen plus inclusif, est un des legs importants des femmes mises à l’honneur par la Place.
La place est constituée de pôles atmosphériques et fonctionnels qui ensemble créent une place cohérente. Il y a au centre un espace plus ouvert, résiduel de ces pôles ou créé par ceux-ci, bordé par des gradins offrant aussi bien un lieu de repos pour les passants, les touristes et les personnes en situation d’itinérance, qu’un lieu de rassemblement citoyen. Ces espaces sont positionnés pour ne jamais refermer les perspectives, mais plutôt offrir en tout temps à la vue une diversité de paysages. Cette place citoyenne créée par une diversité de pôles disposés de façon non hiérarchique est pour nous une façon concrète d’incarner la contribution fondamentale des Montréalaises à la Cité, dans la diversité de leurs récits.